Los Angeles

>Voyage d’étude à Los Angeles
du 9 au 16 avril 2013

Natacha Tchermalykh, Laura Huertas Millán, Gaëlle Cintré
(trois artistes du post-diplôme)
Stephen Wright, Joan Ayrton (référents)

Mardi 9 avril.

Nous décollons de l’aéroport CDG à 10h30 pour atterrir à Los Angeles en début d’après-midi. Nous louons une voiture et déposons nos bagages à l’hôtel en plein cœur de Hollywood. Quelques instants plus tard, nous nous mettons en route pour le 18th Street Art Center, un centre d’art lié au OTIS College of Art and Design à Santa Monica pour assister à la conférence de Stephen Wright intitulée Social Practice in Questions… sur l’invitation de Bill Kelly Jr, théoricien et commissaire en résidence d’un an à 18th Street.

http://18thstreet.org/events/stephe...
http://www.otis.edu/

Beaucoup de monde, de nombreuses questions et réactions (enthousiastes), les discussions durent jusque dans la soirée (l’aube pour nous qui étions encore à l’heure européenne). Nous rentrons à l’hôtel, trois d’entre nous allons dîner dans un bar de Hollywood.

Mercredi 10 avril.

Nous souhaitons nous promener sans but précis en voiture dans Los Angeles pour découvrir la ville, depuis les hauteurs si possible. Nous traversons de nombreux quartiers résidentiels, nous trouvons sur la mythique Mulholland Drive et gagnons les collines derrière Hollywood. Après quelques heures d’exploration, nous nous rendons à Santa Monica, Stephen y retrouve un groupe d’étudiants au OTIS College (la plupart avaient assisté à la conférence la veille) pour un séminaire. Nous poursuivons notre découverte de Los Angeles en voiture, tentons de trouver quelques galeries à Culver city sans grand succès. Nous rentrons à l’hôtel pour nous reposer du décalage horaire. Le soir nous retrouvons quelques étudiants et enseignants rencontrés la veille à 18th Street dans un bar de la ville.

Jeudi 11 avril.

Nous nous retrouvons à 9h et nous rendons plus tard dans la matinée sur le Campus de CalArts, California Institute of the Arts, à Valencia.

http://calarts.edu/

Nous rencontrons Arne de Boever qui dirige le Master en études esthétiques et politiques dans le département des Critical Studies (études critiques) de CalArts. Il est également partenaire du post-diplôme de l’EESI.

http://directory.calarts.edu/direct...

Nous assistons et participons à l’un de ses cours sur Giorgio Agamben, sur le chapitre intitulé Éloge de la profanation de son ouvrage Profanations (2005). Nous poursuivons notre visite avec la rencontre de Rebecca Baron, professeure de film et de vidéo, partenaire également du post-diplôme de l’EESI, et de ses étudiants.

http://directory.calarts.edu/direct...

Nous assistons à une programmation de films réalisée par Rebecca Baron et ses étudiants sur la question de la traduction (élargie), un des axes de recherche proposés par Érik Bullot dès la création du post-diplôme en 2011. Elle a lieu au Bijou Theater, l’un des théâtres de CalArts. Dans la salle se trouvent Rebecca Baron, ses étudiants, notre groupe, mais aussi le cinéaste James Benning et le Dean du département de film et vidéo, Steve Anker. Le séminaire a été conçu sous forme de rencontre entre les étudiants de CalArts et ceux de l’EESI, avec un échange de programmations de films (préparées de part et d’autre) et une discussion nourrie de courtes présentations théoriques de Arne de Boever et Stephen Wright sur le sujet de la traduction au travers des textes de Giorgio Agamben. Toutefois, ce programme sera divisé en deux temps et ne se terminera que la semaine suivante, en raison d’une conférence ayant lieu à CalArts ce soir-là à laquelle tout le monde souhaite assister, Julieta Aranda et Anton Vidokle du journal en ligne e-flux :

http://calarts.edu/event/2013-04-11...

A l’issue de la conférence, nous accompagnons Aranda et Vidolke ainsi qu’un groupe d’étudiants au restaurant du campus de CalArts pour dîner. Grande tablée, discussions animées, pizzas, vin californien.

Vendredi 12 avril.

Le matin nous accompagnons Stephen Wright chez Arne de Boever et visitons Eagle Rock, le quartier dans lequel celui-ci réside. Nous déjeunons, puis nous nous rendons tous dans le quartier de Culver city pour faire la visite du CLUI, Center for Land Use Interpretation. Un centre de documentation qui a pour mission « l’extension et la diffusion du savoir sur la façon dont les territoires du pays sont répartis, utilisés et perçus » (intitulé sur le site). Une recherche élargie et pointue dans tous les domaines liés au territoire ou au paysage, du champ technologique (industries, sciences, aéronautique) au champ artistique (Land art). L’exposition temporaire, au moment de notre visite, est intitulée Down to Earth : Experimental aircraft crash sites of the Mojave. L’artiste est Peter W. Merlin. Il s’agit d’un travail d’investigation et de documentation sur les accidents aéronautiques survenus dans le désert de Mojave, notamment dans le fameux Edwards Air Force Base où avaient lieu la plupart des essais d’appareils militaires expérimentaux. Rencontre avec Matthew Coolidge, fondateur et directeur du CLUI qui répond à nos questions et nous parle des enjeux du lieu et de ses activités.

http://www.clui.org/newsletter/wint...
http://www.clui.org/section/down-ea...

Nous poursuivons notre programme par la visite du Museum of Jurassic Technology, situé exactement à côté du CLUI.

http://mjt.org/

Il s’agit d’un musée singulier, énigmatique, merveilleux, au croisement de l’histoire des sciences, des technologies, de l’art, de l’artisanat, d’expériences mystiques et de phénomènes paranormaux. L’ensemble est basé sur la collection (d’objets, d’artefacts) comme fondement du principe muséal, nous avons pensé qu’il s’agissait d’un musée sur le musée. Laura a émis l’hypothèse que l’ensemble soit l’œuvre, une grande installation, d’un seul artiste resté anonyme. L’hypothèse nous a été plus ou moins confirmée par Rebecca Baron lors de notre rencontre la semaine suivante (la question reste ouverte).

http://mjt.org/themainpage/main2.html

Ce soir-là, nous sommes invités à dîner chez Arne de Boever et sa compagne Olivia C. Harrison, enseignante d’italien et français à la USC, University of Southern California.

Samedi 13 avril.

Un programme proposé par Stephen Wright. Départ de l’hôtel à 7 heures, nous traversons Los Angeles en direction de San Diego où nous avons rendez-vous avec Fred Lonidier, un artiste conceptuel et activiste américain, enseignant de photographie (tout juste retraité depuis un mois) à l’université de San Diego.

http://visarts.ucsd.edu/faculty/fre...
http://www.inha.fr/spip.php?article1922

Stephen Wright et lui se connaissent bien, ils ont travaillé ensemble. Fred Lonidier est engagé depuis de nombreuses années aux côtés des travailleurs et travailleuses (80% de femmes) militants syndicalistes des Maquiladoras de Tijuana au Mexique. Il fait partie d’un réseau nommé San Diego Maquiladora Worker’s Solidarity Network (http://www.sdmaquila.org/). À la demande de Stephen, Fred Lonidier a organisé pour cette journée la traversée (à pied) de la frontière US/Mexique, une rencontre et un déjeuner avec un jeune femme nommée Mago (elle ne donne pas son nom de famille), militante syndicaliste à plein temps désormais. Elle nous parle de son parcours, de la vie des femmes dans l’usine où elle travaillait, des conditions de travail, de sa lutte depuis des années pour combattre les abus (salaires, horaires), les empoisonnements aux produits toxiques (etc). Mago est parvenue à faire des études qu’elle poursuivra, études financées par le syndicat, de façon pouvoir s’engager de façon plus éclairée encore. A la suite de notre rencontre avec Mago, nous entamons avec Fred une visite de la zone industrielle des maquiladoras, nous circulons entre les grandes usines, croisons quelques groupes de travailleurs. Fred Lonidier nous montre les stigmates de deux immenses déplacements de terrains liés à un scandale écologique d’une part (une gigantesque décharge de piles dont le poison avait infiltré les nappes phréatiques), et à la construction inachevée d’un canal en béton (destruction et déplacement d’un bidon ville) d’autre part. Enfin, nous repartons vers la frontière et nous plaçons au bout de la longue file d’attente de gens souhaitant se rendre, ou rentrer aux Etats-Unis. L’attente durera plus d’une heure (c’est assez peu, elle peut durer plusieurs heures), dans une atmosphère vive, électrique, l’expérience est édifiante.

Nous regagnons San Diego, nous sommes invités à dîner chez Fred Lonidier et sa compagne Caroline, tacos à emporter, bières et vin. La maison est splendide, un jardin vertical (très pentu) recouvert d’arbustes et de plantes grasses. Un chien, plusieurs chats, deux tortues d’eau.

Dimanche 14 avril.

Nous partons de l’hôtel à 8 heures en direction de Hinkley dans le désert Mojave. Notre objectif, rejoindre le Desert Research Station du CLUI, l’un des sites situés en dehors de Los Angeles.

http://clui.org/page/desert-researc...

La station est au milieu du désert, presque à mi-chemin entre Los Angeles et Las Vegas. Elle est tout à fait déserte. Matthew Coolidge, dit Matt, nous a donné vendredi un code pour ouvrir la porte de la baraque posée sur la terre sèche. A l’intérieur, une autre « document based exhibition » (exposition constituée de documents), sur les multiples ressources et usages du désert Mojave, les mines, les industries (polluantes ou propres), les antennes, les infrastructures en tous genres. Jusqu’au cimetière de Boeings. Sur un grand terrain derrière la baraque se trouve un chemin menant à une série d’œuvres d’artistes, comme le Range Trumpet, de Deborah Stratman, un sound/space project conçu comme instrument à vent, transformant le vent du désert en pièce sonore.

http://vimeo.com/41539392
http://clui.org/newsletter/winter-2...

Long temps passé à découvrir les mystères de cette station déserte. Nous aimons beaucoup. Les œuvres sont isolées, mais autonomes, actives et en marche. Nous quittons le Desert Research Station pour déjeuner dans un restaurant que « Matt » nous a indiqué non loin de là. Plongée dans l’Amérique profonde, musique, burgers, tacos, bière.

À notre retour à Los Angeles, j’accompagne Stephen Wright à un rendez-vous avec Bernard Brunon, artiste peintre conceptuel français installé aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. Nous buvons un verre avec lui dans Hollywood, puis regagnons l’hôtel. Le groupe (qui est resté très soudé depuis le début du voyage) s’est dispersé tôt ce soir-là, passablement fatigué après un week-end chargé.

http://www.archives.biennaledeparis...

Lundi 15 avril.

Après une matinée de repos, nous reprenons la route de Valencia pour la poursuite du séminaire avec Rebecca Baron à CalArts. Vendredi avait eu lieu la première partie du programme, la projection d’une série de films choisis par elle-même et ses étudiants.

Aleph, Wallace Berman, 6 min
Speech Memory, Caroline Key, 23 min
Kalendar, Naomi Uman, 12 min
Bocas de Ceniza (Mouths of Ash), Juan Manuel Echavarria, 18 min
Associations, John Smith, 7 min
Name the Color, Lin Sanmu, 6 min 25 sec

Aujourd’hui doit avoir lieu la projection des films sélectionnés par Laura, Natacha et Gaëlle, suivie d’une discussion sur la question de la traduction, le fil conducteur de chacune de ces programmations. Voici le programme de nos artistes du post-diplôme, précédé d’une courte introduction :

What do we mean by "translating" ? The ultimately technical maneuver of ferrying meaning between one language or code and another ? Or the more metaphorical operation of giving voice to otherwise inaccessible or repressed meaning ? Do we need a translation of translation ? More fundamentally still, is translating even possible, presupposing as it does a kind of universal equivalent against which the translation can be measured ? Perhaps translating is a kind of "in-com-possible" undertaking — both impossible and imperative, since in a way, it’s all we have.

1. Translation is imperative (presented by Nataliya Tchermalykh)

Anri Sala - Intervista (1998)
http://vimeo.com/31274824

Laibach - La Marseillaise (2006)
https://www.youtube.com/watch?v=55H...
http://en.wikipedia.org/wiki/Laibac...)

2. Translation is impossible (presented by Gaëlle Cintré)

Roee Rosen - Confessions Coming Soon (2007)
http://roeerosen.com/tagged/Confessions

Omer Fast - The Tank Translated (2002)
http://www.gbagency.fr/fr/32/Omer-F...

Pierre Huyghe - Blanche Neige Lucie (1997)
http://www.dailymotion.com/video/x7...

Jakup Ferri - An Artist who cannot speak English in no artist (2005)
http://www.digitalartlab.org.il/Arc...

 3. Translation is all we have (presented by Laura Huertas Millán)

Nelson Pereira dos Santos - Qu’il était bon mon petit Français (1971)
http://www.youtube.com/watch?v=MVoP...
http://en.wikipedia.org/wiki/How_Ta...

Diego Risquez - Orinoko, nuevo mundo (1984)
https://www.youtube.com/watch?v=XYt...

Sun Ra - Space is the place (1974)
http://www.ubu.com/film/ra_space.html.

Drexciya (early Detroit techno)
http://en.wikipedia.org/wiki/Drexciya

Les présentations se passent très bien. Le parti pris des artistes du post-diplôme de l’EESI est celui de ne présenter que de très courts extraits de films et de relier théoriquement des différentes propositions entre elles. Il s’agit de favoriser la discussion (Arne de Boever n’est pas présent ce jour-là, Stephen prévoit éventuellement une courte présentation sur la traduction au travers des textes d’Agamben). À la suite des interventions de Laura, Natacha et Gaëlle, Rebecca Baron engage une courte discussion avant de projeter un film du cinéaste expérimental Duncan Campbell intitulé Bernadette (2008). Il semble que le parti pris de nos artistes soit ici inversé, Rebecca Baron privilégie la projection des films en entier. Bernadette est un film-portrait sur la jeune militante d’Irlande du Nord Bernadette Devlin ayant siégé au début des années 70 au parlement du Royaume-Uni et fondatrice du Irish Republican Socialist Party. Une assez courte discussion critique a lieu à l’issue de la projection. Le séminaire prend fin, nous quittons Rebecca Baron et ses étudiants.

Nous restons à CalArts jusqu’en fin de journée pour assister à la formidable et très émouvante conférence de Emory Douglas, artiste caricaturiste et affichiste, ancien ministre de la culture du Black Panther Party.

http://calarts.edu/node/11506

Mardi 16 avril.

Dernier jour officiel du voyage d’étude. Nous faisons notre dernière visite en groupe, celle du LACMA, Los Angeles County Museum of Art et de l’exposition temporaire sur Stanley Kubrick.

http://www.lacma.org/
http://www.lacma.org/art/exhibition...

Notre voyage est terminé. Tout s’est très bien passé. Nous avions imaginé un programme tantôt collectif et obligatoire tantôt en groupe réduit et facultatif. Le groupe a choisi de rester soudé durant le voyage entier. Les artistes ont été engagés et dynamiques. Ils semblent avoir apprécié le programme de ce voyage en grande partie conçu et organisé par Stephen Wright.

Compte-rendu rédigé par Joan Ayrton à Paris, le 24 avril 2013