Presque des naufrages…Fictions poétiques
Michelle Héon
11 septembre 2010 au 9 octobre 2010
Galerie Trois Points
372, rue Ste-Catherine Ouest, espace 520
Montréal, Québec, Canada
Presque des naufrages... Fictions poétiques est un résultat fascinant d’un voyage effectué par l’artiste à bord du Transsibérien qui l'a emmenée en Russie orientale. La démesure et la puissance des cours d'eau, les profondeurs abyssales du lac Baikal ont inspiré une œuvre qui allie photographie et installation, laissant place à un univers doucement onirique qui plonge le spectateur dans une enveloppante curiosité, ne sachant trop ce qui est soumis à son regard.
"Naufrage : brisure des bateaux sous l’effet de la tempête.
Presque des naufrages : est-ce à dire que la catastrophe pourra être évitée ?
Ici la nature se soulève, les éléments se déchaînent, les vagues se font grosses, très grosses, les bateaux petits, très petits. Un monde miniature en parallèle ? Presque des naufrages : comme des naufrages ?
Qu’aurions-nous à apprendre de cette distance ? Car à n’en pas douter, l’infiniment petit est à prendre au sérieux : d’en haut et de loin, l’artiste engage son spectateur à prendre place, en face et au-dessus des événements. Un spectateur rendu doucement à sa condition humaine, habitant du monde, de la terre ferme face à l’instabilité des éléments, un homme au bord de tous les bouleversements.
Ainsi s’entendrait l’engagement de Michelle Héon. L’œuvre se nourrit de toutes les expériences de l’être au monde, ici et maintenant ; d’où toujours cette frange, ce bord, ce presque d’une distance qui donne à penser les places, les positions pour chacun d’entre nous, faites de déplacements et de passages constants. Ces dénouements, à proprement parler, d’espace et de temps nous ramènent à la fiction, à la poésie : les mailles de la mer scintillent, les algues chevelues, les vagues grosses et les petits bateaux sont autant de possibilités de récits.
La lumière, comme dans la réalité, est garante des profondeurs : elle fait se mouvoir les espaces lointains, s’approcher les ombres, de face et d’en-haut pour rejoindre les galaxies démarrées, d’hier et de toujours.
Si les embarcations de Michelle Héon ont à voir depuis longtemps avec ce qu’il faut appeler un memento mori, avec la ruine, l’épave et le temps qui passe, ici, il s’agirait davantage d’évoquer les difficiles conditions d’existence de l’homme sans renoncer pour autant à son renouvellement.
En effet, les naufrages de Michelle Héon ne succombent pas à la mode : aucune catastrophe, à peine des menaces tapies dans le creux de ses nuits car l’existence est avant tout pensée comme expérience du sensible, expérience artistique et esthétique.
Le naufrage est un presque naufrage ce qui peut signifier plusieurs choses : soit qu’il n’aura pas lieu et en ce cas nous restons saufs, éprouvés par notre seule imagination, soit qu’il a bien eu lieu mais que nous sommes rescapés, sauvés incontestablement par la fiction poétique.
Drame ? Certainement : il a eu lieu, il aura lieu. Cependant, à aucun moment, l’artiste ne nous laisse sur un désastre. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit bien d’un travail et que ce travail est beau.
Vagues, remous et chaos sont mailles colorées enduites de tissus broyés. La matière soyeuse aux tonalités rouges, bleues, vertes, irisée et scintillante se présente tout à la fois comme l’image et la réalité -le signe et le sang- des courants et des profondeurs de la mer. Michelle Héon cherche à retenir pour nous le spectacle, les visions et les sensations du naufrage.
Ses mondes, le vent et les vagues, les bateaux en sursis, les couleurs et les lumières frayent dans le large des dentelles ajourées.
J’ai vu aussi dans l’atelier de Michelle Héon, une vidéo touchante ; comme à travers une longue vue, une embarcation parait : un petit bateau ballote, va, vient et revient… un bateau frêle comme un papillon de mai."
Sabine Barbé, Equemauville, juillet 2010
Pour plus d’informations : www.galerietroispoints.qc.ca