L'exposition exposée
© Julien Nédélec, Cartons à dessin, 2010
Jusqu’au 16 octobre 2010
Galerie et Salle des petites colonnes
Friche la Belle de Mai, la Tour, 2ème étage,
41, rue Jobin, Marseille
La plupart des expositions dites muséales sont régies par des codes de réalisation, des conventions de présentation et de transmission.
L'exposition exposée, initiée par Astérides, propose comme sujet de réflexion et d'expérimentation ce format en lui-même. Les expositions se construisent sur une temporalité, elles sont visibles pendant une durée limitée, ont lieu dans des espaces dédiés ou non à la présentation des œuvres tels que le White Cube, des lieux patrimoniaux, etc. A l'intérieur, les œuvres sont présentées selon des principes standards (type d’accrochage, mobilier, lumière, etc.), répondant à une volonté de visibilité. Dans ce sens, des outils complètent la lisibilité des œuvres : cartels, visites, documentation, conférences, rencontres, etc. Au-delà de l’espace et du temps d’ouverture de l’exposition, l’information circule via une communication spécifique (carton d’invitation, voie de presse, etc.). Ces présentations ont donc des points communs malgré leurs formes multiples (expositions collectives, monographiques, foires, etc.) et la diversité des espaces occupés.
Les études et expérimentations d’historiens de l’art et de commissaires d’exposition, ont déjà pu questionner les pratiques de l’exposition. Mais que se passe-t-il quand les artistes utilisent ces principes inhérents à la présentation, à la diffusion et à la transmission de la production artistique ? Les œuvres peuvent-elles interroger les conventions liées aux espaces, à la temporalité et la présentation ? Ainsi, Vlad et Alina Turco utilisent le White Cube comme le cadre d'exposition le plus conventionnel et le répliquent en miniature (My First White cube, 2009), Neven Allanic l'utilise comme une zone d'actions mimées à travers le cadre délimité de l'objectif de la caméra et Sammy Engramer l'interprète dans un rapport de fascination. Par l'installation, Chloé Quenum considère l'espace comme le lieu d'expérimentation. La diffusion de l'exposition est aussi traitée : la photographie comme trace de l'exposition (Davide Bertocchi et Samon Takahashi, Interstellar Static), le discours et ses outils comme source de travail (Andrea Fraser), le support de communication comme un espace d’intervention (Julien Nédélec) et la critique comme outil
(Jérôme Allavena et Nicolas Muller). Enfin, les obligations d'organisation sont détournées et revendiquées dans les œuvres de Guillaume Aubry, Aurélien Mole et Julien Tiberi. Ainsi, sans vouloir être exhaustive, l'exposition propose de porter son attention sur quelques principes liés à son existence.
En 2010 Astérides engage une série de formes favorisant des questionnements ainsi que des réalisations sur la production artistique et sa représentation (workshops Zone d’Expérimentation #1 et #2, publications, rencontres, expositions, textes...). À travers cette exposition, réunissant une sélection d’œuvres d’artistes émergents mais également d’artistes confirmés, pour la plupart inédites à Marseille, l’association poursuit l’exploration des formes de monstration par l’intermédiaire de l’analyse formelle mais aussi conceptuelle que peuvent en faire les artistes.
Jérôme Allavena, Nicolas Muller et Julien Nédelec, trois anciens élèves de l’EESI participent à cette exposition.
Jérôme Allavena (Né en 1979, il vit et travaille à Paris.) et Nicolas Muller (Né en 1981, il vit et travaille à Nice.)
Jérôme Allavena et Nicolas Muller
Towards a Quaker View of Sex, 2009, 2010
Am Safety Zone, 1999, 2010
Heedless, 2001, 2010
Acrylique sur toile, dimensions variables
© Jean-Christophe Lett
Jérôme Allavena et Nicolas Muller collectent des textes : descriptions, analyses, critiques d’œuvres ou d’exposition. Ils enlèvent les noms des artistes et les images correspondantes et se les échangent. Ces textes deviennent alors des protocoles de production, des « challenges » énigmatiques afin de créer de nouvelles pièces.
De ce jeu pragmatique aux conséquences multiples, ils proposent des artefacts « équivalents » aux originaux (ils gardent le même titre) reposant sur la part descriptive mais aussi sur les lacunes, l’indéchiffrable ou encore ce qui relève de l’interprétation.
Exploitant les potentialités induites par un tel processus, ces nouvelles productions pourraient être alors très proches comme très éloignés des œuvres d’art de départ. De toute manière ils ne cherchent pas la comparaison.
JA. NM.
Julien Nédélec (Né en 1983, il vit et travaille à Nantes.)
Julien Nédélec, Cartons à dessin, 2010
700 cartons, épingles, 210 x 750 cm
© Jean-Christophe Lett
S'interrogeant sur le statut du multiple, de la série, de la reproductibilité dans leurs formes et dans leurs concepts, les œuvres de Julien Nédélec touchent aussi bien à l'édition, le dessin, la sculpture et l'installation. Cette pratique multiforme l’amène à jouer avec les définitions et les frontières de ces différents médiums. Ainsi une édition devient une sculpture (En 5 dimensions, 2010) comme un multiple peut-être unique. Autour du langage, ses œuvres utilisent des codes visuels et sémantiques.
Il transforme alors le sens en non-sens - en matérialisant par exemple l'existence d'un objet (Vie et mort d'un stylo, 2007), trouve des logiques dans des systèmes qui ne le sont pas et crée des paradoxes - il fabrique l’image d’un nouveau héros masqué à partir d'une photographie d'un scientifique et de la matérialité de ses découvertes (Les Super-Héros de l'infini, 2010).
Pour L’exposition exposée, le protocole de Julien Nédélec est : “Les cartons sont multiples. Il y a de multiples cartons. Les possibilités de dessins sont multiples. Chaque dessin est unique.”
Mathilde Guyon