Rapport sur le voyage d’étude à Madrid
Post-diplôme. 27-30 octobre 2014
Le voyage d’étude à Madrid dans le cadre du post-diplôme répondait à plusieurs motifs : poursuivre l’enquête critique et méthodologique sur le document et l’archive à l’occasion de l’exposition Un arte realmente útil au Musée Reina Sofía ; rencontrer différents/es acteurs/trices de la scène culturelle et artistique madrilène faisant écho à un précédent voyage d’études en octobre 2012. Les artistes du programme (Hugo Brégeau, Gaëlle Cintré, Louis Henderson, João Vieira Torres) étaient accompagnés de deux professeurs de l’ÉESI, Joan Ayrton et Stephen Wright, ainsi que du directeur du post-diplôme, Érik Bullot.
Conçue par le collectif curatorial curatorial WHW (What, How and For Whom), l’exposition Un arte realmente útil présentait un certain nombre d’œuvres et de documents au carrefour de l’activisme politique, de l’utopie pédagogique et de la création poétique. En confrontant des films documentaires de cinéastes comme Kiarostami, Pennebaker, Straub, Vicuña, Žilnik, des affiches militantes et des pièces tirées de l’art contemporain ou de pratiques artisanales (ex-voto mexicains, tablettes péruviennes), l’exposition déjoue les frontières canoniques de l’histoire de l’art et renouvelle les récits en faisant droit à des pratiques mineures. Un arte realmente útil atteste une nouvelle fois la fertilité critique des pistes de recherche du post-diplôme quant à la place du document dans le champ de l’art contemporain.
La visite de l’exposition fut précédée par une conférence donnée par Jacob Appelbaum et Trevor Paglen sur les enjeux de la liberté individuelle dans l’usage des médias informatiques. Conférence stimulante, au croisement de la Constitution américaine et de la pensée libertaire de Thoreau. Une seconde conférence, donnée par les commissaires de l’exposition, présentait le projet général et ses relations avec l’institution du musée.
À la suite de notre visite détaillée et minutieuse de l’exposition, nous rencontrâmes le 29 octobre les commissaires de l’exposition (Ana Devic, Natasa Ilic, Sabina Sabolovic, Ivet Curlin) pour un dialogue instructif et passionnant.
En contrepoint de ces rencontres, nous effectuâmes plusieurs visites culturelles : au centre social et culturel La Casa Encendida et au centre de création contemporaine Matadero Madrid.
LA CASA ENCENDIDA. Nous visitâmes ce dernier en compagnie de Beatriz Navas Valdés, programmatrice des activités culturelles. Centre social et culturel offrant l’accès gratuit à une bibliothèque, une médiathèque, une salle d’exposition (consacrée lors de notre visite à le cinéma d’animation à travers l’œuvre de Starewitch, Švankmajer et des frères Quay), des salles de conférence et de projection, un jardin-terrasse expérimental, des ateliers informatiques et photographiques. Le centre connaît actuellement une situation difficile due aux arrêts de ses financements. Les caisses d’épargne en Espagne, tenues de consacrer une part de leurs bénéfices aux activités sociales et culturelles, ont tout simplement disparu pour devenir des banques caractérisées par l’absence d’obligations sociales. Le centre dispose encore d’un budget pour les sept années à venir mais son futur doit être revu. Beatriz Navas a renouvelé son accord et son intérêt pour envisager des échanges avec le post-diplôme et l’École européenne supérieure de l’image.
MATADERO MADRID. Cet ancien abattoir s’est transformé en 2006 en centre culturel sous l’impulsion de la ville de Madrid. Nous eûmes la chance de visiter l’exposition Hasta que les leones no tengan historiadores… par le collectif d’artistes Declinación Magnética la veille de son vernissage, présentée par les artistes eux-mêmes (Aimar Arriola, Jose Manuel Bueso, Diego del Pozo, Julia Morandeira). Nous rencontrâmes à cette occasion la programmatrice générale de Matadero Madrid, Manuela Villa, qui s’est montrée intéressée pour d’éventuels échanges.
La situation en Espagne est actuellement très difficile au vu des orientations néo-libérales récentes qui voient diminuer, de manière drastique, les aides publiques, soumettant les centres culturels à des dilemmes sur leurs choix artistiques. Sera-t-il possible de conserver l’orientation sociale proposée par ces centres culturels avec le seul argent privé ? Sera-t-il encore possible, avec le seul argent privé, de ne pas être une simple courroie de transmission du marché ? Telles furent quelques-unes des réflexions menées par le groupe lors de ces visites.
Les rencontres avec Beatriz Navas et Manuela Villa, dynamiques et chaleureuses, sont toutefois le gage d’échanges à venir avec le post-diplôme et les étudiants de l’école.
Érik Bullot, novembre 2014