De l’art numérique à l’art dans le tout numérique et à l’art post-digital
Conférence de Norbert Hillaire
Jeudi 11 Mai 2017 - 18h
ÉESI - Site de Poitiers
Entrée libre
Souvenons-nous de Valéry et de sa prophétie, dans son texte fameux : " la conquête de l’ubiquité" : ce n’est rien moins que la notion même de l’art qui est en jeu dans le changement des techniques et des sciences que nous promet cette conquête de l’ubiquité, à travers « la distribution de la réalité sensible à domicile » qui l’accompagne. Aujourd’hui, nous y sommes, et la prophétie de Valéry est en train de se réaliser sous nos yeux. C’est donc la notion même de l’art qui est visée
Je tire pourtant de Wikipédia cette définition de l’art numérique : « L’art numérique désigne un ensemble varié de catégories de création utilisant les spécificités du langage numérique. Il s’est développé comme genre artistique depuis le début des années 1980.
Portée par la puissance de calcul de l’ordinateur et le développement d’interfaces électroniques autorisant une interaction entre le sujet humain, le programme et le résultat de cette rencontre, la création numérique s’est considérablement développée en déclinant des catégories artistiques déjà bien identifiées. En effet, des sous-catégories spécifiques telles que la « réalité virtuelle », la « réalité augmentée », « l’art génératif », ou encore « l’art interactif » viennent compléter les désignations techniques du Net-art, de la photographie numérique ou de l’art robotique. Soulignant la nécessité de construire un dialogue entre les médias traditionnels (peinture, sculpture, dessin) et les nouveaux médias, qui se sont tournés le dos abusivement, Hervé Fischer a proposé d’explorer ce que pourraient être les « beaux-arts numériques ».
Nul ne saurait contester la vérité de ces assertions, et pourtant, celles-ci me laissent perplexe. Elles ne me semblent pas rendre compte de ces enjeux dont parle Valéry dans son texte, et de ces changements dans la notion même de l’art dont il y est question.
Pourtant, ces changements ne sont ni derrière nous, ni devant nous, ils sont à l’œuvre au cœur même de notre monde actuel.
Dans cette définition tirée de Wikipédia, l’art numérique est envisagé à travers les supports (nouveaux), ou les média qu’il mobilise. Par exemple : réalité virtuelle, robotique, etc.
Il est certes exact de considérer que les formes de l’art doivent épouser ou coïncider avec l’évolution des techniques, et qu’au fond, il est normal qu’à l’âge numérique, les artistes utilisent des techniques numériques. Mais cela pose cependant problème. Et c’est ce problème, qui, d’avoir été mal posé, ou posé du seul point de vue du « médium », a enfermé la théorie des arts numériques dans un cercle confiné de spécialistes qui semblent vivre comme en dehors des enjeux et des défis majeurs que la culture numérique même pose à notre temps.
Ce sont ces hypothèses, qui nous conduiront jusqu’à la notion d’un art post-digital que nous proposons d’étudier dans une perspective critique.
Norbert Hillaire
Biographie
Essayiste, théoricien de l’art et des technologies, artiste, Norbert Hillaire est professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis et directeur de recherches à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, laboratoire Art et Flux, Institut ACTE, où il co-dirige le projet ARIAD/R, Archéologie des Innovations Abandonnées, Délaissées ou Résurgentes. Son ouvrage, L’art Numérique, co-écrit avec Edmond Couchot (Flammarion), fait aujourd’hui référence. Il préside l’association Les murs ont des idées, spécialisée dans le design de services et la création d’outils numériques au service des espaces collectifs. Dernières publications, L’art dans le Tout Numérique, aux éditions Manucius (2015). La fin de la Modernité sans fin, l’Harmattan (2013). A paraître, Réparer, Scala, 2015. Ses Photomobiles interrogent les relations entre peinture, photographie et cinéma et sont régulièrement exposées en France et à l’étranger.
L’association Les Murs Ont des Idées
L’association les murs ont des idées travaille sur ce qui nous rassemble dans un monde dispersé, ou règne sans partage un narcissisme et un individualisme de masse encouragé paradoxalement par les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas d’opposer les anciens médias et les nouveaux, mais de les envisager au contraire dans le mouvement complexe des continuités et des ruptures qui les traversent . De même que nous n’opposons pas les espaces réels et les réseaux’, le local et le global.
Il en va ainsi de notre approche des médias numériques, de la ville, comme de l’ innovation en général : contre le solutionnisme et l’innovationnisme ambiants qui nous enjoignent de nous adapter à marche forcée à une économie numérique de marché de plus en plus prédatrice, dont Uber figurerait le modèle , nous voulons promouvoir au contraire une approche à la fois critique, fédératrice et créative de l innovation sociale et de la transition numérique et de ses effets sur les territoires, la ville, l’habitat et le vivre ensemble.
Cette approche repose sur un ensemble de disciplines, de sciences, de techniques et de méthodes éprouvés que nous nous efforçons d’articuler selon une démarche multi-expertise et créative : nous le faisons dans un souci constant d articuler la théorie et la pratique, la recherche et la création, les communautés territorialisées et les experts, mais aussi les ressources du public et celle du privé.
Nous proposons une démarche chaque fois différente, mais toujours réfléchie et inventive (et toujours étayée sur des expertises de qualité), en nous efforçant de conjuguer exigence esthétique et critique, souci écologique et politique en faveur d’un mieux vivre ensemble, mais aussi viabilité économique : telle est l’ambition de l’association Les Murs ont des idées que nous nous attachons à promouvoir pour la (re)dynamisation des villes moyennes, la création / design de services innovants dans les résidences et autres habitats collectifs, les études prospective liées au design d’innovation sociale et aux modes de vie, la création d événements artistiques et culturels en relation avec les industries numériques.
http://www.norbert-hillaire.com/